La ville de Séguéla, chef-lieu de la région du Worodougou et du district du Woroba, trouve ses origines dans l’histoire des Keita, qui ont ensuite pris le nom de Binaté. Cette histoire remonte à la dislocation de l’Empire du Mali ou Manding, après le règne de Mansa Oulé, l’empereur rouge, fils et successeur de Soundiata Keïta, de 1255 à 1270.
Les fondateurs de Séguéla sont les descendants directs de Mansa Oulé, qui s’est converti à l’islam et a ensuite suscité l’abdication de ses propres enfants, cédant ainsi le trône à la grande famille Konaté. Celle-ci a tenté d’assurer la survie en perpétuant le nom Keita dans l’appellation des différents rois qui se succédaient.
Au XVIe et au début du XVIIe siècle, les Keita ou Binaté, fondateurs de Séguéla, sont venus de la ville de Ségou, en même temps que les Koné. L’expédition était conduite par l’ancêtre des Binaté, Youssoufou. Les migrants avaient des descriptions approximatives de la région qui devait leur offrir un endroit propice pour fonder un village prospère. Youssoufou avait fait un rêve dans lequel on lui avait révélé le site et l’emplacement du nouveau village. Celui-ci devait être situé au carrefour de sept rivières.
Après diverses péripéties, les deux cadets de Youssoufou ont quitté la majeure partie des troupes pour fonder respectivement Kissidougou et Souanzo, en Guinée actuelle. Leur longue errance les a conduits dans la région de Séguéla, plus précisément dans le village de Sefaga, où ils ont demandé l’hospitalité. C’est à partir de cette base que les Binaté ont lancé les recherches qui ont abouti à la découverte du fameux carrefour. Une fois le site découvert, Youssoufou est retourné dans son village de Sehou-séguéla, dans la région de Ségou, pour informer ses compatriotes de sa découverte.
Le rôle de Youssoufou apparaît clairement comme celui d’un messager envoyé par les anciens du village de Séhou-séguéla, qui l’avaient chargé de trouver l’emplacement indiqué. C’est ce qui expliquerait son retour à Ségou. De plus, le groupe dirigé par Youssoufou n’était pas assez important pour prétendre s’approprier cet espace. Il a été envoyé en éclaireur pour informer le gros des troupes de l’état du site, des populations qui s’y trouvaient, de leur armement et de leurs capacités militaires.
Une fois de retour à Ségou, Lassana Binaté, fils de Youssoufou et ancêtre immédiat des Binaté de Séguéla, est retourné sur le site à la tête d’une troupe de guerriers de Ségou, bien équipés en fonction des informations fournies par les éclaireurs. Grâce à sa cavalerie et à ses armes à feu, Lassana a réussi à chasser les Wobé, qui occupaient alors la plus grande partie de l’espace de l’actuelle Séguéla, les repoussant vers l’ouest de la Côte d’Ivoire. Il a également repoussé les Gouro jusqu’aux lisières de la forêt.
Une version soutient que, en souvenir de leur village d’origine, les migrants ont donné le nom de Sehou-Séguéla à l’espace qu’ils venaient de conquérir. Au fil du temps, cette appellation est devenue Séguéla pour plus de commodité, par déformation et par sclérose.
Une deuxième version soutient que le nom de Séguéla est lié à la position géographique prédite avant le voyage des fondateurs, qui devaient s’installer dans une zone bien précise où il y avait des Ségué, des arbres bien connus dans le Worodougou. D’où le nom “Sèguèla”, devenu Séguéla par déformation.
Une troisième version, moins probable, fait dériver le nom de Séguéla de l’expression “Anyé ségué”, qui signifie “nous sommes fatigués”.
C’est à Séguéla que les Keita ont changé de nom et sont devenus les Binaté, signifiant simplement “Bi Na Té”, c’est-à-dire “Notre venue, ou notre présence, ne date pas d’aujourd’hui”. Certains d’entre eux sont restés fidèles à leur nom d’origine, Keita ou Fouétai (déformation de Keita).
Il convient de signaler que les Binaté sont arrivés avec les Koné, qui faisaient partie des troupes de conquête des migrants de Ségou. Une fois le village fondé, il était nécessaire de réfléchir à l’organisation socio-économique. Ainsi, les Koné ont été confiés aux habitants du village de Gbinman, spécialisés dans l’art de la forge. Les Koné ont appris l’art de la forge afin de réduire la dépendance de Séguéla à l’égard des Coulibaly de Gbinman et du village de Ségou, d’où les habitants importaient la totalité de leur armement et de leurs outils agricoles.
Lors de la fondation de la ville de Séguéla, Gbinman existait déjà. Les populations de cette localité étaient des Coulibaly et des animistes. Aujourd’hui encore, les Coulibaly sont les chefs de terre ou “Dougoukoro-tigui” de Séguéla. Ils sont responsables de toutes les grandes cérémonies d’offrandes à Séguéla. Pendant ces cérémonies, il leur est interdit de boire ou de manger pendant toute la durée de l’événement. Ce n’est qu’une fois de retour chez eux, à Gbinman, qu’ils peuvent satisfaire leurs besoins. Cette cérémonie immuable s’est perpétuée jusqu’à nos jours.
Les repères géographiques qui ont servi à l’implantation du village de Séguéla sont le carrefour des sept rivières, toujours présentes dans la région. Ces cours d’eau sont : le Tchon’hon près du village de Kamana, le Bafouhoni sur la route de Watou, le Kiessamon, le Djemifi’n, le Fiani, le Fabatu et le Fouhoni-shouhonman qui sépare le village de Gbinman de Séguéla.
Plus tard, au XVIIe siècle, d’autres familles ont rejoint les premières souches, telles que les Bakayoko, les Soumahoro, les Diomandé, les Timité, les Dosso, etc.
À la fin du XIXe siècle, toute la région est tombée sous la domination de l’Almamy Samory Touré, fondateur de l’Empire Wassoulou, qui s’étendait de Kankan à Dabakala et Kong.